LA NOUVELLE IMAGE DE LA FEMME AFRICAINE: ETUDE D’UNE SI LONGUE LETTRE DE MARIAMA BÂ.

  • : Ms Word, Ms Word Format
  • : 100 Pages
  • : ₦3000
  • : 1-5 Chapters
  •  
  • Click to DOWNLOAD Materials

LA NOUVELLE IMAGE DE LA FEMME AFRICAINE: ETUDE D’UNE SI LONGUE LETTRE  DE  MARIAMA BÂ.

Le Résumé

 

Il y en a beaucoup d’angles desquels on peut examiner le concept du féminisme; mais trop souvent, on le considéré comme un mouvement flexible, constitué  d’une vaste gamme d’idéologies, avec des perspective et des approches similaire et différentes, Busari (279). C’est cette incapacité d’arriver à un consensus d’opinion concernant le féminisme qu’est un des problèmes qui limitent l’acceptation du concept en Afrique.  Ce travail, qui propose d’explorer les progrès du concept du féminisme en Afrique à partir des ouvrages littéraires; fait une étude sur l’évolution de l’image de la femme africaine dans une société africaine qui se développe rapidement vers la modernité, telle que présentée dans Une si longue lettre de Mariama Bâ. Le travail, en considérant des perspectives des femmes africaines, essaie de donner des indices et des idées sur, la peinture de la nouvelle image de la femme africaine du vingt-et-unième siècle.

En  effet le travail tente s’analyser des personnages principaux dans le roman en question pour montrer les images différents de la femme africaine. Le travail a dévoilé la dichotomie patriarcale entre la modernité et la tradition a travers les personnages menant à une nouvelle image de la femme africaine.

 

LA NOUVELLE IMAGE DE LA FEMME AFRICAINE: ETUDE D’UNE SI LONGUE LETTRE  DE  MARIAMA BÂ

 

Introduction

Chaque fois qu’une discussion est soulevée sur l’image de la femme africaine en littérature, l’image qu’on se fait le plus souvent est celle d’une femme soumise et silencieuse qui accepte son destin sans résistance. Cependant, d’après Onyishi Martina, pendant les dernières décennies, plusieurs mouvements féministes sont nés réclamant une meilleure position pour les femmes dans la société (1-2). Onyishi maintient que les femmes ont commencé à écrire des œuvres, ce qui était longtemps un privilège des hommes; et que dans leurs œuvres, les femmes ont pu donner une image de la femme différente de celles que donnaient les hommes, une image plus conforme à la réalité. Ainsi on commence à comprendre ce qu’a dit Simone de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient » (81).

Pour cette étude, nous faisions ressortir la nouvelle image de la femme africaine en nous appuyant une étude d’Une si longue lettre de Mariama Bâ.

L’Objectif du travail

Notre objectif est d’analyser l’image de la femme africaine entre la tradition et la modernité, telle qu’elle est présentée dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, et d’examiner comment les femmes africaines évoluent dans  la société qui se développe vers la modernité.

Notre but ici, n’est pas d’étudier tous les écrivains et personnages romanesques ; nous  tentons  plutôt à montrer à travers les personnages clés dans l’œuvre, les réactions de la femme nouvelle devant les événements sociaux, les différentes perspectives dont la romancière conçoit le monde de la femme noire à l’époque où elle situe le roman.

Dans son œuvre qui, à l’aveu des critiques comme Nicki Hitchcott, Doo-Bunya, Juliana Makuchi Nfah-Abbenyi, Ojo-Ade, etc; est bien écrite avec un vocabulaire très varié, Mariama Bâ a présenté des aspects intéressants de l’engagement féministe en Afrique et elle a donné des aspects  intéressants du féminisme africain. Elle a, entre autres, peint l’image des femmes africaines à l’époque de l’indépendance en Afrique, qui est dans l’espace et le temps une mise en évidence de la place des femmes dans la société  africaine.

Deuxièmement, il faut montrer l’ambiguïté de la femme en Afrique, déchirée entre le modernisme et la tradition. À cet égard, certaines questions méritent d’être posées. Nous commençons par nous demander quels sont les statuts que les écrivains assignent à la femme africaine ? Quels sont leurs points de vue par rapport à la pratique de certaines coutumes traditionnelles (dot, polygamie etc.) dans une société évoluant vers la modernité ? Quelle place accordent-ils à la femme dans le développement de la société africaine ? Comment est-ce qu’ils  interprètent l’influence de la belle-famille et de la société en général dans le fonctionnement d’un mariage en Afrique ? Autrement dit, comment est-ce que Mariama Bâ conçoit l’émancipation de la femme africaine, voire le féminisme en Afrique ? Nous faisons cela d’abord en présentant le résumé de l’œuvre pour mieux illustrer le cadre et l’environnement où se situe l’histoire de l’œuvre.Nous avons choisi de travailler sur Une si longue lettre pour deux raisons. Premièrement, d’après Tonleu Madeleine, ce roman est une peinture conforme à la réalité de la condition et du statut de la femme en Afrique en général et au Sénégal en particulier. Mariama Bâ insiste sur le rôle multidimensionnel de la femme au foyer (10). Elle ose aborder les sujets tabous comme les castes, la polygamie, le veuvage, l’absence des droits de la femme et aussi le pouvoir de la belle-famille dans une société qui se développe de plus en plus vers la modernité. Mariama Bâ réussit à dénoncer les conventions absurdes imposées aux veuves et invite les femmes à briser le silence sur certaines coutumes africaines qui freinent leur émancipation totale. Ce roman épistolaire a rapidement rencontré un écho très important. La preuve en est qu’il a obtenu le Prix Noma en Novembre 1980 à Frankfort, et il a été traduit en vingt langues et reste, de nos jours, une œuvre analysée avec beaucoup d’intérêt dans les études littéraires universitaires (10).

 

La Méthodologie

La nature de ce travail demande l’approche théorique, c’est-à-dire, l’examen de la conception intellectuelle désintéressée et abstraite dont il s’agit pour l’étude et parce que notre analyse focalise  sur les personnages féminins dans Une si longue lettre, nous adoptons l’approche de la théorie du féminisme.

Le travail est divisé en quatre chapitres. Nous commençons avec l’introduction du travail, ensuite, le premier chapitre. Pour le premier chapitre, nous faisons la définition du terme « féminisme » qui est un terme important dans l’étude de la littérature féminine. Ensuite, nous présentons l’histoire de la littérature féminine en Afrique et les stéréotypes féminins dans la littérature africaine. Nous soulevons l’image des femmes traditionnelles africaines et modernes telle que L. Senghor et Carole Boyce Davies leur sont présentés. Dans le chapitre deux, nous jetons un coup d’œil sur la biographie et les œuvres de l’auteur. Ensuite, nous abordons l’analyse du roman Une si longue lettre en étudiant en détail les personnages féminins qui ont un rôle important dans le roman: leur caractère et leur rôle social. Pour le chapitre trois, nous étudions les statuts de la femme dans Une si longue lettre. Dans le chapitre quatre nous examinions la femme a la recherche de soi tel qu’on peut le voir dans plusieurs romans africains et la nouvelle image de la femme africaine comme la présente Mariama Bâ. Pour finir, nous faisons la conclusion et la bibliographie.

 

                          Chapitre 1

1.1 Idée générale de la théorie du féminisme

Le problème majeur du féminisme a été l’incapacité d’arriver à un consensus d’opinion cernant le féminisme, Busari (280). Ca c’est parce que sa définition change selon l’époque et la société avec les complexités des cultures, religions, les convictions individuels et politiques, et autres. Comme on peut le dire de plusieurs groupes, il existe de nombreuses variantes du féminisme; donc, on n’exagère pas si on dit qu’il y a tant de définitions du féminisme qu’il y a des féministes (280).

Comme Susan Arndt souligne dans son œuvre The Dynamics of African Feminism Defining and Classifying African Feminist Literatures,  nous pouvons supposer que tous les types de féminisme en Afrique ont une fondation commune. Alors, Arndt définit le féminisme  comme  suite “Feminism is a worldview and way of life of women and men who, as individuals, groups, and/or organizations, actively oppose existing gender relationships based on discriminating hierarchies and ratings; Feminists not only recognize the mechanisms of oppression, they also aim at overcoming them” (71).

Pour Onyemelukwe et Bartholoew, le concept féminisme a deux sens fondamentaux:

En premier lieu, le féminisme est un courant politique occidentale, un mouvement revendicatif pour la reconnaissance ou l’extension des droits de la femme  dans la société y inclus l’égalité de l’homme et de la femme sur le plan aussi bien social que politique et économique. Deuxièmement, le féminisme est une idéologie appelant ainsi la lutte des femmes depuis l’existence de l’oppression patriarcale (6).

Expliquant le concept, Chimamanda Adichie considère un feministe comme “any man or woman who says, ‘yes, there is a problem with gender as it today and we must fix it, we must do better” (48). Donc, on peut voir le féminisme aussi comme un ensemble des idées politiques, philosophiques et sociales cherchant à promouvoir le droit des femmes et leurs intérêts dans la société.

Comme tout mouvement social, le mouvement féministe est traversé par différents courants de pensée, à savoir: le féminisme libéral égalitaire/féminisme modéré, le féminisme de tradition marxiste, le féminisme radical, le womanisme, le ecofeminisme, le féminisme postmoderne, Le féminisme africain et les autres; et chacun de ces courants a  sa façon de penser, Tong (128). Ces courants cherchent à comprendre pourquoi et comment les femmes occupent une position subordonnée dans la société, comment les décrire et les inventorier ? Les idées étant des représentations humaines de la réalité sociale, l’opération qui consiste à tenter de les classer ne peut être qu’une tentative plus ou moins arbitraire d’interprétation de ces idées. Pour ce travail, nous portons notre attention particulière sur les aspects du féminisme africain.

1.2 Le féminisme africain

 

Le feminism africain est simplement “the Africanization of the concept feminism” Ogundokun (247). A sa part, Philomena Steady decrit le féminisme africain ainsi:

African feminism recognizes a common struggle with African men for the removal of the Yoke of foreign domination and european/american exploitation. It is not antagonistic to men but challenges them to be aware of certain salient aspects of women subjugation which differ from the generalized oppression of all African people (104).

Dans Ngambika cité par Ogundokun Adeyemi Sirikun, Davies and Graves; ils insistent que: “A genuine African feminism should recognize a common struggle with African men for the removal of the yokes of foreign denomination and European/American exploitation” (247). Ce courant que Robert Bourgoing a présenté dans sa première publication L’Afrique invente son féminisme  examine le point de vue de la plupart des féministes africains, qui croient qu’on doit garder les valeurs et mœurs des africains tout en embrassant la civilisation occidentale. Dans cette publication, Bourgoing cite Sira Diop, féministe malienne, présidente pendant plus de vingt ans de l’Union nationale des femmes du Mali qui dit :

Si être féministe c’est lutter pour les droits des femmes, oui, je suis féministe. Mais le féminisme africain n’a rien à voir avec le féminisme occidental. Nous n’essayons pas d’imiter les européennes ou les américaines. Nous, nous ne brulons pas nos soutiens-gorge. Ce n’est pas en brandissant des machettes que nous allons changer les choses. Nous ne revendiquons même pas l’égalité des droits avec les hommes. Tout ce que nous voulons, c’est plus de droits  et un peu de temps libre. (p.1)

Le féminisme africain est une idéologie qui fait la promotion des complémentarités entre les femmes et les hommes africains(e) et entre les traditions africaines et la modernité occidentale. Les féministes africains croient qu’ils n’ont rien à voir avec le féminisme occidental car ils n’opposent pas les hommes, mais elles leur soutiennent. Elles ne brûlent pas leurs soutiens-gorge, elles sont fières d’être « mères ». Elles ne sont pas en guerre avec les hommes, elles travaillent en association avec eux. Elles ne revendiquent pas l’égalité des droits avec les hommes, d’être « femme » est suffisant pour eux. Tout ceux qu’elles demandent est qu’on élève toutes exigences culturelles qui leur limitent à la cuisine ou au foyer. C’est pourquoi dans son œuvre The Dynamics Of  African   Feminism cité par Malin Haaker, Susan Arndt maintient que le féminisme en Afrique n’est qu’un modèle théorique ; en Afrique, le féminisme moderne est complexe et il a beaucoup de manifestations et d’expressions qui le rendent impossible de se référer à un seul « féminisme africain » en ce qui concerne la diversité ethnique, culturelle, sociale, économique, politique et religieuse de l’Afrique; mais il existe de nombreuses variétés de féminisme en Afrique qui existent aussi en dehors de l’Afrique.

Cette idée se trouve chez Ramatoulaye et Aissatou dans Une si longue lettre de Bâ. Comme dit Ramatoulaye :

Aissatou, je n’oublierai jamais la femme blanche qui, la première, a voulu pour nous un destin « hors du commun » (. . . .) nous sortir de l’enlisement des traditions, superstitions et mœurs; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre; élever  notre vision du monde, cultiver notre personnalité, renforcer nos qualités, mater nos défauts; faire fructifier en nous les valeurs de la moral universelle (27-28).

Cependant, l’écriture féminine d’expression française en Afrique a émergé dans les années soixante-dix quand les femmes africaines ont commencé à mettre en question leurs propres conditions d’existence dans la société de l’Afrique civilisée, car, dans la société traditionnelle africaine, les femmes avaient et savaient leurs propres  places et savaient les exprimer sous  diverses  formes.

Le féminisme en Afrique a souvent été soumis à une critique en ce qui concerne la question de l’absence de pouvoir des femmes et le manque de critique sur la domination des hommes dans la vie socio économique et politique de la société. Jusqu’aux années soixante-dix, les premiers écrits produits par les femmes étaient plutôt autobiographiques et tournaient autour de la vie quotidienne. La plupart des romans écrits par les femmes à l’époque montrent, entres  autres, l’importance de la famille.

Vers les années quatre-vingt, les écrits des femmes africaines ont changé d’orientation et ont dépassé les thèmes de leur marginalisation par la tradition et le colonialisme, pour aborder d’autres thèmes. Les écrivains abordent aujord’hui les thèmes qui les préoccupent tels que la maternité, le mariage, les relations mère-enfant, l’éducation de la femme, la lutte pour l’équité, la femme au travail, l’indépendance économique et les stratégies féminines pour la résistance à toutes formes d’oppressions. Comme l’a observé Arndt « Aujourd’hui, les écrivains d’Afrique s’intéressent aux problèmes sociaux, politiques et économiques, elles revendiquent un changement social et leurs œuvres deviennent une aide pour transformer la réalité dans laquelle elles vivent » (71).

Au début de la littérature africaine, dans le paysage littéraire, le portrait de la femme était pauvrement esquissé parce que les hommes de plume étaient plus préoccupés par les grandes questions politiques et philosophiques pour se laisser distraire par des sujets domestiques et des personnages secondaires (les femmes). Tel est le cas des œuvres telles que Les Bouts de bois de Dieu ou L’Aventure ambiguë publiés en 1960.  II faudra donc attendre près de vingt ans   pour voir apparaître sur la scène littéraire francophone les premières écrivaines notamment les Sénégalaises, comme Naffissatou Diallo avec De Tilene au plateau, Mariama Bâ avec Une si longue lettre et Aminata  Sow Fall avec La Grève des Battus. Les choses ont depuis bien changé, puisque nait en Afrique une écriture féministe, moyen par lequel les femmes prennent la plume pour affirmer et faire  reconnaitre  leurs droits pour démontrer leur accès à la parole et pour revendiquer leur pourvoir de décision. S’estimant victimes du sexisme, de l’arrogante domination masculine, elles sont à la pointe du combat pour l’émancipation.

Aujourd’hui dans le monde littéraire, l’heure n’est plus à l’évocation de la condition féminine, de son état d’ignorance et de soumission, mais à l’esprit de conquête d’un statut égalitaire, tant que les femmes sont actrices et mieux protagonistes. Le féminisme se développe et se répand dans le monde au point de marquer  profondément les champs littéraires. II est rapidement pris à leur compte par certaines écrivaines dans des livres majeurs et précurseurs. C’est le cas notamment d’Awa  Thiam qui, dans La Parole aux négresses, fait découvrir aux femmes une voix, leur donne la parole qui peut montrer qu’elles existent. Mariama Bâ fait également la date avec Une si longue lettre, une œuvre romanesque qui est centrée sur le sujet du drame de la polygamie et de la trahison. La Grève des battu d’Aminata Sow Fall est une satire sociale et politique, où la lutte des femmes s’est trouvé un écho.

Dans la littérature africaine d’expression anglaise, nous avons aussi  des femmes comme Buchi  Emecheta , Second Class Citizen, une histoire qui montrent aux femmes la dignité de dur travail, Efuru de Flora Nwapa, qui enseigne aux femmes de mettre la foi en dieux et comment elles  peuvent survivre face à la dure situation. C’est pourquoi Nwapa, au cours d’une interview avec Marie Umeh, parue dans Research in African literature affirme que :

When I do write about women in Nigeria, in Africa, I try to paint a positive picture about women because there are many women who are very, very positive in their thinking, who are very, very independent and very, very industrious (22-90).

De même, Chimamanda Adichie dans l’Hibiscus pourpre enseigne aux femmes de ne plus être « une pate résignée » qui se laisse « partir par la vie » mais plutôt de devenir, elles-mêmes, « la boulangère de sa vie.»

De sa part, selon Odile Cazenave, Calixthe Beyala proclame qu’ « Aujourd’hui je n’écris pas pour vous parler de nos misères, mais de quelques moyens pour y échapper…je ne parle pas de désespoir, je parle de vie» (283-298).

Ces écrivains ont tellement soulevé les discours sur le féminisme à un haut degré dans leurs œuvres romanesques d’expression anglaise et française. Nous avons aussi quelques écrivains québécois qui recourent à deux genres d’écriture: le roman et le théâtre, pour s’attaquer aux tabous religieux et à la division sexuelle du travail. C’est le cas dans le véritable roman féministe, l’Euguelionne de Louky Bersianik qui décrit la longue marche d’une femme vers un nouveau monde de nouvelles valeurs. Môman ne travaille pas à trop d’ouvrage ! Du Centre des Femmes compte parmi les ouvrages qui ont particulièrement marqué le théâtre. Il s’agit de l’exploitation des femmes pour les taches ménagères. Les femmes dans ce théâtre disent:

Nous voulons parler du rôle du travail ménager dans notre société et dire dans quelles conditions il est fait et à qui il profite. Notre lutte n’est pas contre la coquetterie ou contre les hommes mais contre l’exploitation de notre travail 24 heures sur 24 (4).

De même, Les fées ont soif  de Denise Boucher est un cri, une volonté de sortir d’un univers ecclésiastique et machiste qui opprime les femmes. Ainsi le mouvement féministe dans la littérature africaine n’est pas un phénomène isolé mais s’intègre  dans un mouvement féministe mondial.

1.3 Tradition et Modernité en Afrique

Le discours sur la modernité et la tradition depuis l’époque de l’indépendance en Afrique jusqu’aujourd’hui, même chez les femmes en Afrique, a été mené par les intellectuelles et les écrivains d’ici et du dehors le continent. Ça, c’est parce qu’il y est soulevé des problèmes d’adaptation entre les cultures modernes occidentales et les traditions africaines. Selon Mohammad Mochaver, on doit mettre en considération d’abord le fait que toute société humaine est en évolution et que la société traditionnelle africaine ne fait pas exception (1). Mochaver maintient que l’impact de cette influence et sa forme sont directement conditionnés par les données historiques et socio-économiques et par sa capacité active d’intégration antérieure. Donc, le problème est alors celui de l’ampleur de l’influence de ce qu’on appelle la ‘modernité’ en rapport avec le décalage et l’écart qu’elle crée entre les tenants de la culture  moderne  importée et ceux de la culture traditionnelle avec toutes ses conséquence matérielles au niveau de la société.

Quand on parle de la femme africaine entre la tradition et la modernité, on doit noter que des fois quand des écrivains essayent de peindre l’image de la femme traditionnelle, l’image de la femme africaine qu’on voit le plus souvent est celle d’une femme passive, soumise et silencieuse qui accepte son destin sans résistance. Comme Ramatoulaye dans Une si longue lettre  de Bâ, elle dit: « Je me disais ce que disent toutes les femmes trompée si Modou était du lait, c’est moi qui ai eu toute la crème, ce qui restait, bah ! de l’eau avec une vague odeur de lait » (60).

1.4 L’image de la femme africaine traditionnelle

D’après Molara Ogundipe-Leslie, il existe des stéréotypes des femmes dans la littérature africaine: il y a toujours la mère merveilleuse, celle qui accepte et sacrifie tout; elle est souvent rattachée à la « Mère Afrique » avec sa beauté éternelle et abstraite et avec l’inspiration artistique décrite souvent dans la poésie francophone comme se voit dans Femme noire de Léopold Senghor:

Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.

Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée

Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.

Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel,
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.

Cette figure de la beauté n’est pas séparée de celle d’une maîtresse passionnée: beaucoup de femmes sont décrites érotiquement, en laissant tomber les autres côtés de l’amour tels que la loyauté ou la protection de la famille. De plus, il y a le stéréotype de la fille urbaine sophistiquée qui représente l’image de la femme moderne; on trouve également  l’image de la femme rurale qui représente la femme traditionnelle. Les deux images sont souvent mises en contraste afin de dramatiser le conflit entre la tradition et la modernité. La fille urbaine est souvent une prostituée, comme on retrace dans Les Honneurs  perdus de Calixthe Beyala: « Ces femmes-prostituées, ces femmes-intellectuelles, ces femmes- oisives me paraissaient parfaites. Qu’elles sont belles, gémissais- je. Qu’elles sont intelligentes ! Et quelle liberté ! »(280); Ou comme une divorcée dans le cas d’Aissatou dans Une si longue lettre de Mariama Bâ : « Tu  choisis la rupture, un aller sans retour avec tes quatre fils, en laissant bien en vue, sur le lit qui fut votre, cette lettre destinée à Mawdo et dont je rappelle l’exact contenu» (49).

Cette figure est souvent  évoquée dans la littérature africaine. Dans son article, L’Image de la femme dans les romans de Francis Bebey, A. U. Ohaegbu, montre que la femme est un personnage très en vue dans le roman africain et l’image qu’on lui trouve est aussi diverse que les romanciers eux-mêmes. Mère nourricière, la femme assure la survie de la tribu et soutient l’arbre généalogique de la famille ; épouse soumise, elle fait le bonheur de son mari et l’aide à vaincre certaines impasses de la vie. C’est ainsi que Doguicimi dans l’œuvre du Béninois Paul Hazoume,  Doguicimi  dit à son époux : « Je suis ta propriété, et prête à souffrir tous les supplices qu’il te plairait d’exercer sur moi afin d’oublier tes peines » (1).

Selon Ohaegbu, Bebey se présente le monde féminin moderne comme celui où les tabous se violent, les valeurs dites traditionnelles, et sur lesquelles s’organise la vie morale de la société précoloniale, se voient constamment remises en question et battues en brèche. La jeune fille que ses parents voudraient élever selon les coutumes transmises par les ancêtres, elle, autour de laquelle rôde le jeune débauché se fait souvent le centre du conflit entre le nouveau et l’ancien (la modernité et la tradition).

La femme traditionnelle est cette femme qui doit se marier et faire des enfants, surtout les bonhommes comme on peut retracer dans Things Fall Apart de Chinua Achebe, dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, dans Efuru de Flora Nwapa, dans l’Hibiscus pourpre d’Adichie et les romans de Francis Bebey surtout Fils d’Agatha Moudio.

Contrairement à l’image que nous renvoient souvent les médias occidentaux  au sujet de la femme africaine, la réalité de sa condition est très contrastée et souvent aux antipodes. Certes, certains aspects de cette réalité sont difficiles: corvées d’eau dans le rural, tâches ménagères, violences physiques ou psychologiques qui subsistent surtout dans les milieux peu éduqués. La femme traditionnelle africaine reste le pilier de la famille, donc de la société, même si pour l’observateur occidental l’homme reste le chef de la famille. C’est souvent ainsi dans le code de la famille, la femme africaine jouit d’une autonomie et d’un pouvoir de décision certain, tout en laissant l’illusion d’une forme de docilité. Son rôle principal était non seulement de s’occuper du foyer mais aussi d’assurer le bien-être et la cohésion de la famille, ainsi que l’éducation des enfants. Comme une éducatrice, la femme veille à ce que ses enfants soient élevés selon la tradition pour qu’ils puissent être utiles à la société, comme on peut tracer chez Seynabou que Bâ a présentée comme une femme traditionnelle exemplaire dans Une si longue lettre :

La mère de Mawdo, c’est tante Nabou pour nous et Seynabou pour les autres. Elle portait un nom glorieux du Sine : Diouf. Elle est descendante de Bour-Sine. Elle vivait dans le passé sans prendre conscience du monde qui muait. Elle obstinait dans les vérités anciennes. [. . . .] Elle perdit tôt un mari cher, éleva courageusement son ainé Mawdow et deux autres filles, aujourd’hui mariées et. . . bien mariées (42).

Pour cela la femme en Afrique sans enfant était peu considérée. C’est  ce qu’on voit dans Efuru de Flora Nwapa, et dans Les Honneurs Perdues de Calixthe Bayela

T’es heureuse ? lui demanda papa, les deux mains sur les hanches, les jambes écartées. Pourquoi ne fais-tu pas des fils ? […]  On ne peut rien tirer de toi, lança-t-il, très quant-à-soi. Maman baissa la tête, parce que être humiliée dans ces conditions lui semblaient justifié et sa dignité exigeait qu’elle acceptât ces remontrances sans broncher  (30-31).

Car  la femme africaine est avant tout respectée en tant que mère. C’est elle qui transmet les valeurs essentielles à ses enfants. Elle est le véritable ciment de la famille, au sens élargi du terme, portant à bout de bras ses enfants et les autres membres de la famille, jusqu’à la belle famille. La femme africaine est l’épicentre du système social. C’est pourquoi Ngozi Nwosu dans son livre The African Woman :Nigerian perspective affirme que :

To abuse an African Woman meant provoking the wrath of mother earth, life-giving water and other symbolic elements related to womanhood. The woman was seen as the source of life, as a peace-maker and one endowed with supernatural powers that could change man’s fate. [. . . ] The perceived notions of women as inferior, helpless, gullible, merely nurturing, emotional, nimble-figured while men are seen as superior, strong-willed, aggressive, adventurous and physically strong, can be traced to European and oriental external influences through educational, political, religious and other forms of imposed contact. These concepts and notions are as foreign as they are untrue in their portrayal of the authentic African Woman (2).

Cette idée s’illustre encore dans Things Fall Apart de Chinua Achebe dans la réaction du village d’Umuofia contre le village de Mbaino pour avoir tué une femme d’Umuofia:

Many others spoke, and at the end it was decided to follow the normal course of action. An ultimatum was immediately dispatched to Mbaino asking them to choose between war on the one hand, and on the other the offer of a young man and a virgin as compensation (8).

Selon Bruner dans son œuvre Unwinding Threads Writing by Women in Africa, le fait que le rôle de la femme a été essentiellement domestique et que son statut dépend de son mari et de la maternité peuvent expliquer la raison pour laquelle la plus grande partie des œuvres des  romanciers ont continué à peindre les images des femmes de cette manière, mais en général la tradition exige que les femmes restent épouses et mères (2). En ce qui concerne la femme, la tradition ne voit rien du bon avec la civilisation. Elle déteste l’éducation qui est l’essentielle de la civilisation occidentale. C’est pourquoi la mère de Mawdow, la belle-mère d’Aïssatou dit: L’école transforme nos filles en diablesse, qui détournent les hommes du droit chemin. Et j’en passe » (30).

1.5 L’image de la femme africaine moderne

En ce qui concerne la femme africaine et la modernité, pareille à son homologue anglo-saxon, le féministe africaine est souvent considérée comme une menace pour la communauté, étiquetée par ses compatriotes comme une “blanche d’esprit. “L’Être à la fois noire et féministe paraît donc une contradiction ou plutôt, comme le propose Michel Erlich, un compromis “entre l’émancipation individuelle et la préservation d’une identité culturelle.” Ce concept de compromis est repris par Carole Boyce Davies qui décrit la féministe africaine comme “hybride,” se référant sans doute au métissage  culturel de Léopold Sedar Senghor.

Cet état hybride relève de l’effort continu de maintenir un équilibre entre les priorités africaines et les questions féministes, ce qui explique d’ ailleurs le titre de l’étude de Boyce Davies, Ngambika “Aidez-moi à équilibrer ma charge.” Ainsi, Erlich et Boyce Davies font allusion à l’incompatibilité apparente du féminisme avec le continent africain, une incompatibilité qui durera tant que le féminisme sera synonyme de l’Occident, en général, et de l’individualisme, en particulier.

Chez les romancières de l’Afrique francophone, il existe parmi les femmes dites modernes une caractéristique partagée qu’on appelle la “toubabisation.” Le mot “toubab” veut dire blanc en lingala, langue très répandue de l’Afrique centrale. Ainsi, la femme africaine “moderne” est une femme qui adopte les manières de la femme blanche. Ainsi, dans le roman autobiographique de Nafissatou Diallo, De Tilene au Plateau, la narratrice est qualifiée de “toubab” de façon très explicite. De même, Diattou, le personnage central de L’Appel des Arènes d’Aminata Sow Fall est décrit comme “ni une noire ni une blanche (116), rappelant l’image de l’hybride présentée par Carole Boyce Davies.

La femme africaine moderne est cette femme africaine qui a embrassé la civilisation occidentale, qui voudrait parler, s’habiller, marcher, manger, penser, se marier, même se maquiller comme les blanches. Elle est cette femme qui a acquis l’éducation occidentale. Comme on voit dans Une si longue lettre de Mariama Bâ, Ramatoulaye dans sa lettre à Aïssatou évoque leurs expériences à l’école :

Aïssatou, je n’oublierai jamais la femme blanche qui la première, a voulu pour nous un destin « hors du commun ». Notre école, revoyons-la ensemble, verte, rose, bleu, et jaune couleurs des fleurs qui envahissaient la cour; rose couleur des dortoirs aux lits impeccablement dressés. Notre école, entendons vibrer ses murs de notre fougue à l’étude. (27)

Ramatoulaye considère l’éducation occidentale avant tout comme une sorte de libération:

Nous sortir de l’enlisement des traditions, superstitions et mœurs ; nous faire apprécier de multiples civilisations sans reniement de la nôtre ; élever notre vision du monde, cultiver notre personnalité, renforcer nos qualités, mater nos défauts ; faire fructifier en nous les valeurs de la morale universelle… (27).

Elle est cette femme qui a adopté les idéologies occidentales. Comme chez Ramatoulaye : Je n’ai pas peur de la lutte sur le plan de l’idéologie . . . .. Je préfère mon association où il n’y a ni rivalité, ni clivage, ni calomnie, ni bousculade : il n’existe pas de poste à partager ni de places à nantir. (107-108).

Il en est de même chez Aïssatou qui a refusé la culture de polygamie de l’Afrique et tous les arguments dissuasifs tels que: « On ne brûle pas un arbre qui porte des fruits et que les garçons ne peuvent réussir sans leur père » (49). qu’avançaient les défenseurs de la tradition. Son amie l’admire pour cette nouvelle attitude de la femme moderne: « Comme j’enviais ta tranquillité lors de ton dernier séjour ! Tu étais là, débarrassée du masque de la souffrance. Tes fils poussaient bien, contrairement aux prédictions » (53).

La femme moderne est cette femme cultivée qui sait ce qu’elle veut comme tatie Ifeoma dans l’Hibiscus Pourpre d’Adichie: « Tatie Ifeoma était aussi grande que papa, avec un corps bien proportionné. Elle marchait vite, comme quelqu’un qui sait exactement où il va et ce qu’il va y faire » (103).

Ngaremba dans Les Honneurs Perdus de Bayela représente une femme africaine, une femme indépendante, forte et intellectuelle. Saïda lui donne le surnom « Négresse-princesse-et-dignitaire » qui décrit bien son caractère.

La Négresse-Princesse-et-dignitaire, capable de transformer la vieille Couscoussière que j’étais en femme moderne, vêtue de jupettes, de pantalons moulants et à qui on permettait même de devenir une intellectuelle, était au plus bas de sa forme (384-385).

Cependant, même si le concept du féminisme africain est souvent considéré comme une menace pour la communauté, ou plutôt, comme le propose Michel Erlich, un compromis « entre l’émancipation individuelle et la préservation d’une identité culturelle, »  la vérité est que, la femme de métissage culturel qui est cette femme qui sait mélanger les bons aspects de la culture africaine et les bons aspects de la culture occidental est l’avenir de l’Afrique. Donc, il faut qu’on mette plus d’accent sur le personnage de cette femme de métissage culturel, et qu’on adopte son image comme la nouvelle image de la femme africaine dans les œuvres littéraires.

LA NOUVELLE IMAGE DE LA FEMME AFRICAINE: ETUDE D’UNE SI LONGUE LETTRE  DE  MARIAMA BÂ

Sharing is caring!

Leave a Reply